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THÉOLOGIE
18:253
[Le Breton's note, right-hand margin of page 251. He is referring to the sub-article Théologie Scholastique.]: Rayé cet article entier. Il est de M. de J.
[Vol. 16, p.249]
THÉOLOGIE, Theologia, du grec θεος, Dieu, & λογος, discours, prise en général, est la science de Dieu & des choses divines, même entant qu'on peut les connoître par la lumiere naturelle. C'est en ce sens qu'Aristote, Methaphysic. l. VI. appelle théologie, la partie de la philosophie, qui s'occupe à traiter de Dieu & de quelques-uns de ses attributs. C'est encore dans le même sens que les Payens donnoient à leurs poëtes le nom de théologiens, parce qu'ils les regardoient comme plus éclairés que le vulgaire, sur la nature de la divinité & sur les mysteres de la religion.
Les anciens avoient trois sortes de théologie; savoir, 1°. la mythologique ou fabuleuse qui florissoit parmi les Poëtes, & qui rouloit principalement sur la théogonie ou génération des dieux. Voyez
2°. La politique, embrassée principalement par les princes, les magistrats, les prêtres, & le corps des peuples, comme la science la plus utile & la plus nécessaire pour la sûreté, la tranquillité & la prospérité de l'etat.
3°. La physique ou naturelle, cultivée par les Philosophes, comme la science la plus convenable à la nature & à la raison, elle n'admettoit qu'un seul Dieu suprème, & des démons ou génies, comme médiateurs entre Dieu & les hommes. Voyez
Les Hébreux qui avoient été favorisés de la révélation ont aussi leurs Théologiens, car on peut donner ce titre aux Prophetes suscités de Dieu pour les instruire, aux pontifes chargés par état de leur expliquer la loi, & aux scribes ou docteurs qui faisoient profession de l'interpreter. Depuis leur dispersion, les Juifs modernes n'ont manqué ni d'écrivains, ni de livres; les écrits de leurs rabbins sont répandus par tout le monde. Voyez
Parmi les Chrétiens, le mot de Théologie se prend en divers sens. Les anciens peres, & particulierement les Grecs, comme saint Basile & saint Grégoire de Nazianze, ont donné spécialement ce nom à la partie de la doctrine chrétienne qui traite de la divinité; de-là vient que parmi eux on appelloit l'évangéliste S. Jean, le théologien par excellence, à cause qu'il avoit traité de la divinité du Verbe, d'une maniere plus profonde & plus étendue que les autres apôtres. Ils surnommoient aussi S. Grégoire de Nazianze, le théologien, parce qu'il avoit défendu avec zele la divinité du Verbe contre les Ariens; & en ce sens les Grecs distinguoient la théologie, de ce qu'ils appelloient économie, c'est-à-dire de la partie de la doctrine chrétienne qui traite du mystere de l'incarnation.
Mais dans un sens plus étendu, l'on définit la Théologie, une science qui nous apprend ce que nous devons croire de Dieu, & la maniere dont il veut que nous le servions; on la divise en deux especes, qui sont la Théologie naturelle & la Théologie surnaturelle.
La Théologie naturelle est la connoissance que nous avons de Dieu & de ses attributs, par les seules lumieres de la raison & de la nature, & en considérant les ouvrages qui ne peuvent être sortis que de ses mains.
La Théologie surnaturelle ou Théologie proprement dite est une science, qui se fondant sur des principes révélés, tire des conclusions, tant sur Dieu, sa nature, ses attributs, &c. que sur toutes les autres choses qui peuvent avoir rapport à Dieu: d'où il s'ensuit, que la Théologie joint dans sa maniere de procéder l'usage de la raison à la certitude de la révélation, ou qu'elle est fondée en partie sur les lumieres de la révélation, & en partie sur celles de la raison.
Toutes les vérités dont la Théologie se propose la recherche & l'examen, étant ou spéculatives ou pratiques, on la divise à cet égard en Théologie spéculative, & Théologie pratique ou morale. La Théologie spéculative est celle qui n'a pour objet que d'éclaircir, de fixer, de défendre les dogmes de la religion, en tant qu'ils doivent être crus. La Théologie, pratique ou morale, est celle qui s'occupe à fixer les devoirs de la religion, en traitant des vertus & des vices, en prescrivant des regles, & décidant de ce qui est juste ou injuste, licite ou illicite dans l'ordre de la religion.
Quant à la maniere de traiter la Théologie, on la distingue en positive & en scholastique. La Théologie positive, est celle qui a pour objet d'exposer & de prouver les vérités de la religion par les textes de l'Ecriture, conformément à la tradition des peres de l'Eglise & aux décisions des conciles, sans s'attacher à la méthode des écoles, mais en les traitant dans un style oratoire, comme ont fait les peres de l'Eglise.
La scholastique est celle qui emploie la dialectique, les argumens & la forme usitée dans les écoles pour traiter les matieres de religion.
Quelques auteurs pensent, que la différence qui se trouve entre la Théologie positive & la scholastique, ne vient point de la diversité du style & de l'élocution; en un mot, de la forme scholastique propre à la derniere, & qu'on ne remarque pas dans la premiere; mais de ce que les Théologiens scholastiques ont renfermé en un seul corps & mis dans un certain ordre, toutes les questions qui regardent la doctrine, au lieu que les anciens ne traitoient des dogmes de la religion, que séparément & par occasion: mais cela ne fait rien quant au style, car les modernes auroient pû traiter tout le plan de la religion en style oratoire, & les anciens n'en traiter que quelques questions en style scholastique. La véritable différence entre la positive & la scholastique dépend donc de la forme du style, puisque pour le fonds les matieres sont les mêmes.
Luther appelloit la Théologie scholastique une discipline à deux faces, composée du mélange de l'Ecriture-sainte & des raisons philosophiques. Mixtione quadam ex divinis eloquiis & philosophicis rationibus tanquam ex centaurorum genere biformis disciplina conflata est. Mais on verra par la suite, qu'il n'en avoit qu'une fausse idée & qu'il en jugeoit par les abus.
M. l'abbé Fleury dans son cinquieme discours sur l'histoire ecclésiastique, ne paroît pas non plus fort favorable à la scholastique; car après s'être objecté,
s'il n'est pas vrai que les scholastiques ont trouvé une méthode plus commode & plus exacte pour enseigner la Théologie, & si leur style n'est pas plus solide & plus précis que celui des anciens, il répond,
« Je l'ai souvent oui-dire, mais je ne puis en convenir, & on ne me persuadera jamais, que jusqu'au douzieme siecle la méthode ait manqué dans les écoles chrétiennes. Il est vrai, ajoute-t - il, que les anciens n'ont pas entrepris de faire un cours entier de Théologie, comme ont fait Hugues de Saint - Victor, Robert Pullus, Hildebert de Tours, & tant d'autres. Mais ils n'ont pas laissé que de nous donner dans leurs ouvrages le plan entier de la religion, comme S. Augustin dans son Enchiridion, montre tout ce qu'on doit croire, & la maniere de l'enseigner dans le livre de la doctrine chrétienne. On trouve de même l'abregé de la morale dans quelques autres traités, comme dans le pédagogue de S. Clément Alexandrin.Que manque-t - il donc aux anciens, continue-til? Est-ce de n'avoir pas donné chacun leur cours entier de Théologie, recommençant toujours à diviser & à définir les mêmes matieres? J'avoue que les modernes l'ont fait, mais je ne conviens pas que la religion en ait été mieux enseignée. L'effet le plus sensible de cette méthode est d'avoir rempli le monde d'une infinité de volumes, partie imprimés, partie encore manuscrits qui demeurent en repos dans les grandes bibliotheques, parce qu'ils n'attirent les lecteurs ni par l'utilité, ni par l'agrément: car qui lit aujourd'hui Alexandre de Hales ou Albert le grand »?
Et il avoit remarqué plus haut qu'il ne voyoit rien de grand dans ce dernier que la grosseur & le nombre des volumes.
Il observe ensuite que les scholastiques prétendoient suivre la méthode des géometres, mais qu'ils ne la suivoient pas en effet, prenant souvent l'Ecriture dans des sens figurés & détournés, posant pour principes des axiomes d'une mauvaise philosophie, ou des autorités de quelqu'auteur profane. Puis il ajoute:
« si les scholastiques ont imité la méthode des géometres, ils ont encore mieux copié leur style sec & uniforme. Ils ont donné dans un autre défaut, en se faisant un langage particulier distingué de toutes les langues vulgaires & du vrai latin, quoiqu'il en tire son origine. Ce qui toutefois n'est point nécessaire, puisque chacun peut philosopher en parlant bien sa langue. Les écrits d'Aristote sont en bon grec; les ouvrages philosophiques de Cicéron en bon latin, & dans le dernier siecle Descartes a expliqué sa doctrine en bon françois....Un autre erreur est de croire qu'un style sec, contraint, & partout uniforme, soit plus clair & plus court que le discours ordinaire & naturel, où l'on se donne la liberté de varier les phrases, & d'employer quelques figures. Ce style gêné & jetté en moule, pour ainsi dire, est plus long, outre qu'il est très-ennuyeux. On y répete à chaque page les mêmes formules, par exemple; sur cette matiere on fait six questions; à la premiere, on procede ainsi, puis trois objections, puis je réponds qu'il faut dire, &c. ensuite viennent les réponses aux objections. Vous diriez que l'auteur est forcé par une nécessité inévitable de s'exprimer toujours de même. On répete à chaque ligne les termes de l'art: proposition, assertion, majeure, mineure, preuve, conclusion, &c. or ces répétitions alongent beaucoup le discours....
Les argumens en forme allongent encore notablement le discours, & impatientent celui qui voit d'abord la conclusion. Il est soulagé par un enthymème ou par une simple proposition, qui fait sousentendre tout le reste. Il faudroit reserver les syllogismes entiers pour des occasions rares, lorsqu'il faut déveloper un sophisme spécieux, ou rendre sensible une vérité abstraite.
Cependant, conclut-il, ceux qui sont accoutumés au style de l'école ne reconnoissent point les raisonnemens, s'ils ne sont revêtus de la forme syllogistique. Les peres de l'Eglise leur paroissent des rhétoriciens pour ne pas dire des discoureurs, parce qu'ils s'expliquent naturellement, comme on fait en conversation, parce qu'ils usent quelquefois d'interrogations, d'exclamations & d'autres figures ordinaires, & les scholastiques ne voyent pas que les figures & les tours ingénieux épargnent beaucoup de paroles, & que souvent par un mot bien placé, on prévient ou l'on détourne une objection qui les occuperoit long-tems ».
Ces accusations sont graves, & l'on ne peut gueres dire plus de mal de la scholastique; mais elles ne tombent que sur l'ancienne scholastique défigurée par des questions frivoles & par un style barbare. Car il faut convenir que depuis le renouvellement des études dans le xvj. siecle la scholastique a bien changé de forme à ces deux égards. En effet, à la considérer dans son véritable point de vue, elle n'est que la connoissance des divines Ecritures, interpretées suivant le sens que l'Eglise approuve, en y joignant les explications & les censures des peres, sans toutefois négliger les secours qu'on peut tirer des sciences profanes pour éclaircir & soutenir la vérité. Scholastica theologia est divinarum scripturarum peritia, recepto quem ecclesia approbat sensu, non spretis orthodoxorum doctorum interpretationibus & censuris, interdum aliarum disciplinarum non contempto suffragio. C'est ainsi que l'a connue la faculté de théologie de Paris, qui la cultive sur ces principes, & dont le but en y exerçant ses éleves est de les accoutumer à la justesse du raisonnement par l'usage de la dialectique.
Retranchez en effet de la scholastique un grand nombre de questions futiles dont la surchargeoient les anciens, écartez les abus de leur méthode, & réduisez-la à traiter par ordre des vérités intéressantes du dogme & de la morale, & vous trouverez qu'elle est aussi ancienne que l'Eglise. Tant d'ouvrages polémiques & dogmatiques des peres de tous les siecles, dans lesquels ils établissent les divers dogmes de la religion attaqués par les hérétiques, en sont une preuve incontestable. Car ils ne se contentent pas d'y exposer simplement la foi de l'Eglise, & d'apporter les passages de l'Ecriture & des peres sur lesquels elle est fondée, mais ils emploient aussi la dialectique & le raisonnement pour établir le véritable sens des passages qu'ils citent, pour expliquer ceux qui sont allégués par leurs adversaires, pour réfuter les difficultés qu'ils proposent, pour éclaircir & développer les conséquences des principes qu'ils trouvent établis dans l'Ecriture sainte & dans la tradition, & pour convaincre d'erreur les fausses conséquences tirées par les hérétiques: enfin ils ne négligerent rien de tout ce qui peut servir à faire connoître, à éclaircir & à soutenir la vérité, à persuader ceux qui n'en sont pas convaincus, à retirer de l'erreur ceux qui y sont engagés; pour y réussir, ils emploient les principes de la raison naturelle, la science des langues, les subtilités de la dialectique, les traits de l'éloquence, l'autorité des philosophes & celles des historiens. On trouve dans leurs écrits des propositions, des preuves, des objections, des réponses, des argumens, des conséquences, &c. toute la différence vient donc de ce que la méthode des modernes est moins cachée, & qu'ils ne sont pas ou n'affectent pas de paroître si éloquens. Mais au fond, en sont-ils moins solides quand ils ne s'attachent qu'aux points essentiels, & qu'ils les traitent par les grands principes, comme font les scholastiques modernes, sur-tout dans la faculté de théologie de Paris? Les défauts d'une méthode
naissante ne prouvent pas toujours qu'elle soit mauvaise, & font souvent l'éloge de ceux qui l'ont perfectionnée.
Les théologiens ont coutume de traiter plusieurs questions sur la dignité, l'utilité, la nécessité de la science qu'ils professent, & nous renvoyerons sur tous ces articles le lecteur à leurs écrits: nous nous contenterons de toucher ce qui regarde la certitude de la Théologie ou des conclusions théologiques. Par conclusions théologiques on entend celles qui sont évidemment & certainement déduites d'une ou deux prémisses, qui sont toutes deux révelées, ou dont l'une est révelée, & l'autre est simplement connue par la lumiere naturelle, & l'on demande si ces conclusions sont d'une égale certitude que les propositions qui sont de soi. 2°. Si elles sont plus ou moins certaines que les conclusions des autres sciences. 3°. Si elles égalent en certitude les premiers principes ou axiomes de géométrie, philosophie, &c.
La décision de toutes ces questions dépend de savoir quel est le fondement de la certitude des conclusions théologiques, c'est-à-dire, quel est le motif qui détermine l'esprit à y acquiescer. On convient généralement que la révélation immédiate de Dieu proposée par l'Eglise, est le motif qui porte à acquiescer aux vérités qui sont de foi, & que la révélation virtuelle ou médiate, c'est-à-dire, la connexion qui se trouve entre une conclusion théologique & la révélation, connexion manifestée par la lumiere naturelle, est le motif qui porte à acquiescer aux conclusions théologiques.
De-là il est aisé d'inférer 1°. que les conclusions purement théologiques n'ont pas le même degré de certitude que les verités de foi, celles-ci étant fondées 1°. sur la révélation immédiate de Dieu; 2°. sur la décision de l'Eglise qui atteste la vérité de cette révélation, au lieu que les conclusions théologiques n'ont pour motif que leur liaison avec la révélation, mais liaison apperçue seulement par les lumieres de la raison; le motif d'acquiescement, & le moyen de connoître ce motif, sont, comme on voit, dans les conclusions théologiques d'un ordre inférieur au motif qui détermine l'esprit à se soumettre aux vérités de foi, & au moyen qui lui découvre ce motif.
2°. Que les conclusions théologiques sont plus certaines que les conclusions des sciences naturelles prises en général, parce qu'on sait que celles-ci ne sont souvent appuyées que sur des conjectures, & que leur liaison avec les premiers principes, n'est pas si évidente que celle des conclusions théologiques avec la révélation immédiate.
Mais on est partagé sur la troisieme question; savoir, si les conclusions théologiques sont plus ou moins certaines que les premiers principes géométriques ou philosophiques; & il y a sur ce point deux opinions.
La premiere est celle des anciens théologiens qui soutiennent que les conclusions théologiques sont plus certaines que les premiers principes, parce que, disent-ils, elles sont appuyées sur la révélation de Dieu, qui ne peut, ni ne veut tromper les hommes, au lieu que la certitude des premiers principes n'est fondée que sur la raison ou la lumiere naturelle, qui est sujette à l'erreur.
La plûpart des modernes pensent au-contraire que les premiers principes sont aussi certains que les conclusions théologiques, parce que 1°. telle est la certitude de ces axiomes: le tout est plus grand que sa partie; deux choses égales à une troisieme sont égales entre elles, &c. qu'il est impossible d'en assigner une plus grande; & qu'on sent par expérience qu'il n'est point de vérités auxquelles l'esprit acquiesce plus promptement. 2°. Parce que Dieu n'est pas moins l'auteur de la raison que de la révélation, d'où il s'ensuit, que si l'on ne peut soupçonner la révélation de faux, de peur d'en faire retomber le reproche sur Dieu même, on ne peut non-plus soupçonner la raison d'erreur quant aux premiers principes, puisque Dieu nous a donné également ces deux moyens, l'un de connoître les vérités naturelles, l'autre d'adhérer aux vérités de foi. 3°. Parce que la foi même est en quelque sorte appuyée sur la raison: car, disent-ils, pourquoi croyons-nous à la révélation? parce que nous savons que Dieu est la vérité par essence, qui ne peut ni tromper, ni être trompé; & qui est-ce qui nous manifeste cette vérité? la raison sans doute; c'est elle aussi qui par divers motifs de crédibilité nous persuade que Jesus - Christ est le messie, & que sa religion est la seule véritable: si donc la raison nous mene comme par la main jusqu'à la foi, & si elle en est en quelque sorte le fondement, pourquoi veut-on que les conclusions théologiques qu'on avoue être moins certaines que les vérités de foi, le soient davantage que les axiomes & les premiers principes de la raison? Holden. de resolut. fidei, l. I. c. iij. & element. theolog. c. j. p. 12.
Théologie mystique (Page 16:251)
Cette théologie consiste dans une connoissance de Dieu & des choses divines, non pas celle que l'on acquiert par la voie ordinaire, mais celle que Dieu infuse immédiatement par lui-même, & qui est assez puissante pour élever l'ame à un état calme, pour la dégager de tout intérêt propre, pour l'enflammer d'une dévotion affectueuse, pour l'unir intimément à Dieu, pour illuminer son entendement, ou pour échauffer ou animer sa volonté d'une façon extraordinaire.
Parmi les oeuvres que l'on attribue à S. Denis l'Aréopagite, on trouve un discours de théologie mystique, & plusieurs auteurs anciens & modernes ont écrit sur le même sujet.
Théologie positive (Page 16:251)
En ce sens, la théologie positive est opposée à la théologie scholastique & polémique. Théologie, réflexions sur la. La Théologie, dit Bacon, comprend l'histoire sainte, le dogme, et la morale. C'est un champs qui ne demeura jamais inculte; tant on a soin d'y semer du bon grain et de l'ivraie. L'histoire sainte et l'intelligence des passages de l'Ecriture est du ressort de la critique; c'est sous cette face que nous avons envisagé la Théologie dans ce Dictionnaire. La morale théologique appartient aux casuistes, qui apprennent souvent au peuple des iniquités qu'il ignorait, et fournit aux controversistes des matieres à traiter, qui fomentent trop souvent les querelles et les divisions. Les interpretes sont chargés de l'explication des paraboles, qui sont une poësie sacrée, qu'ils rendent mal ou foiblement, et des prophéties qui sont l'histoire de l'avenir, que Dieu seul pouvoit faire, comme le témoin éternel de tous les tems, et dans les decrets duquel il ne nous appartient pas d'entrer. Comme les astronomes ont imaginé des cercles excentriques des épicicles, de même les théologiens ont forgé des systemes humains pour expliquer les mysteres. Mais les premiers ne sont que des suppositions, et les autres en s'égarant, établissent des erreurs pour principes de la foi. (D.J.)
La Théologie differe de la foi en ce que celle-ci n'est qu'une adhérence simple, humble et ferme aux vérités divines, et que celle-là est une science appuyée sur des preuves et sur des raisonnemens qui rendent croire, mais encore assez savant pour convaincre ceux qui oseroient contredire la saine doctrine, qui potens est, dit S. Paul, exhortari in doctrina sana, et eos qui contradicunt arguere. Mais cette science a le même objet que la foi: c'est-à-dire, tout ce que Dieu a révélé, enseigné et commandé pour être la regle de la religion ou du culte qui lui est dû. Nous lui devons tout, et notre esprit et notre coeur, et notre entendement et notre volonté. L'esprit doit s'appliquer à le connoître; le coeur doit s'attacher à l'aimer. Notre entendement doit se remplier et s'occuper sans cesse des perfections de l'être infini; et notre volonté doit se soumettre et obéir exactement à ses ordres. Ainsi la Théologie cherche dans la revélation ce que Dieu est en lui-même, et ce qu'il exige de nous. De sorte que par rapport à son objet, elle peut être divisée en deux parties: dont l'une traite des vérités qui regardent l'action et la conduite de la vie, ou que Dieu a enseignés aux hommes, non-seulement afin qu'ils les croient, mais encore afin qu'ils les mettent en pratique. La premiere captive l'entendement sous le joug de la foi; elle est la science des mysteres. La seconde soumet la volonté et toutes les passions aux ordres de Dieu; elle est la science des commandemens. C'est ce qu'on nomme dans l'école théologie speculative et théologie morale, dont l'une a produit les scholastiques, et l'autre les casuistes; gens subtiles mais d'une imagination déréglée, et féconds en termes barbares, qui ont trouvé le secret de faire douter de tout, et de désobéir à Dieu sans péché.
Les erreurs dans la science des mysteres sont les hérésies: et les écarts dans la pratique des commandements sont la corruption des moeurs, ou le relâchement dans la discipline. Il est également dangereux de se tromper dans l'une comme dans l'autre. Une morale corrompue n'est pas moins contraire au chritianisme qu'une foi altérée. Qui débite des mensonges sur ce que Dieu commande de faire, est aussi peu chrétien que qui en débite sur ce qu'il commande de croire. Et celui qui falsifie ses ordres mérite autant, à mon avis, d'être anathème, que celui qui en falsifie les autres paroles. Je ne sais donc point de différence entre un homme qui nie l'existence des sacremens, et un homme qui permet d'en abuser; entre un socinien qui attaque la divinité de Jesus-Christ, et un ingrat mortel qui combat l'obligation d'aimer Dieu par-dessus toutes choses; entre un pélagien qui croit la grace inutile, et un débauché qui dit qu'on peut calmonier ses ennemis et porter sa vengeance jusqu'à l'effusion de leur sang. Enfin la parole de Dieu est la regle de la morale comme de la foi; de quelque façon qu'on s'en écarte, on n'en est pas moins séparé de Jesus-Christ; mais revenons à notre sujet.
La théologie traite ses matieres de deux façons, l'une scholastique et l'autre positive. La premiere méthode est dialectique, et la seconde tient de la narration. Celle-là presse par les raisonnemens et par les conséquences; et celle-ci persuade par les citations et par les faits. Ce n'est pas que la positive ne se serve aussi de raisonnemens, sur-tout pour développer le sens des autres, et que la scholastique ne s'appuie sur des autorités. Mais la scholastique, après avoir posé pour fondement quelques passages de l'Ecriture ou des peres, s'étend en conséquence, et insere dans sa méthode les preuves qui naissent du tour et de la subtilité de l'esprit; au lieu que la positive négligeant ces preuves et ces conséquences se contente de faire un tissu d'histoires pour démontrer par des passages clairs de l'Ecriture et des peres les vérités qu'elle enseigne; et si elle emploie quelquefois le raisonnement, ce n'est pas pour en conclure une vérité de foi, mais seulement pour éclairer ou prouver le sens d'un passage, d'où elle conclut ensuite le dogme.
Comme la positive dépend d'une grande lecture; elle demande quelque critique afin de connoître la sorte des expressions selon la diversité des tems, des langues et des lieux. L'usage de cette méthode doit être fréquent et commun; elle mérite par excellence le nom de méthode théologique, puisque la Théologie est toute fondée sur l'autorité.
La scholastique ne demande pas une si grande érudition. Un esprit vif, clair et méthodique y avance beaucoup en peu de tems; mais on doit en user fort sobrement, et y être toujours sur ses gardes, rien n'étant plus aisé que de s'égarer en suivant son raisonnement et ses propres lumieres dans un chemin où la seule parole de Dieu doit servier de guide; l'esprit humain étant d'ailleurs si enclin à tirere d'une question utile et solide cent autres questions inutiles, vaines, impertinentes-même, qui ne font qu'augmenter les difficultés, obscurcir ce qui est clair, multiplier les disputes, et souvent entretenir le schisme et la division. C'est le défaut qu'on a toujours reproché à la scholastique avec assez de raison ce me semble; non pas que je la crois vicieuse par elle-même, mais à cause de l'excès où l'ont porté ceux qui en ont fait profession. Car enfin, il faut l'avouer, la parfaite Théologie veut un peu de scholastique mêlée avec beaucoup de positive. Les peres s'en sont servis; on en trouve dans S. Paul, comme dans l'endroit de l'epître aux Hébreux, où il prouve par la nature du Testament la nécessité de la mort de Jesus-Christ, et dans celui où il fait voir l'excellence du sacerdoce de la nouvelle loi sur celui de l'anciennce, parce qu'il est selon l'ordre de Melchisédech, qui reçut les décimes d'Abraham lorsqu'Aaron n'étoit pas encore né: Jesus-Christ-même s'en est servi pour prouver aux Saducéens la résurrection des morts, en leur disant que Dieu n'est pas le Dieu des morts, mais des vivans; et que cependant il est dit le Dieu d'Abraham et de Jacob, il aima mieux se servier de ce raisonnement que de citer des passages formels des prophetes en faveur de la résurrection. Enfin on peut appliquer à la scholastique employée à propos, ces paroles de Notre Seigneur, scriba doctus in lege profert de thesauro nova et vetera. Je conclus donc qu'on peut user de la scholastique pour défendre les vérités de la religion, selon les circonstances et le génie des personnes à qui l'on parle. Mais je ne crois pas qu'on doive en faire usage pour étudier et découvrir ces vérités; elle n'est qu'une abondance de preuves propres à être mises en oeuvres par les doctes et les habiles maîtres de l'art, pour convaincre et persuader les incrédules; mais elle ne peut servir de rudimens propres à instruire. C'est le partage de la positive de nous enseigner ce que nous devons croire et faire en nous exposant la révélation. Ainsi rien ne me paroît plus ridicule que de dire qu'on apprend sa religion dans ces écoles de théologie où l'on laisse la jeunesse dans une ignorance crasse de l'Ecriture sainte, de la pratique et des usages de l'antiquité; et où l'on acheve par le grimoire théologique ce que d'autres pédans ont commencé par un affreux jargon, qu'ils ont l'audace de nommer philosophie, et de confondre ainsi par une indigne profanation des noms, ce qui fait l'homme et le chrétiens avec ce qui fait le sophiste et le pédant; écoles, dis-je, où l'on acheve d'ôter aux jeunes gens la justesse de l'esprit que la nature leur avoit donnée, de leur fair perdre par de sots raisonnemens l'usage de la raison, et de les rendre entierement incapables de dire, ni de penser autre chose que des mots qui choquent également l'oreille et le bon sens, et des contrariétés perpétuelles d'expressions.
En effet, je ne crois pas qu'on puisse trouver ailleurs plus de contradictions, plus de termes impropres, ni plus d'expressions équivoques et barbares que dans cette théologie de l'école. Je l'ai étudié fort longtems sous différens maîtres, et je ferois, s'il en étoit besoin, un livre entier pour prouver ce que je dis. Par exemple, il n'y a point de théologiens qui ne disent que l'éternité est une durée qui n'est pas successive, qui existe tout-à-la-fois et toujours dans le présent. Ils ne laissent pas ensuite d'y trouver des momens passés, présens et à venir, de mettre un ordre de tems dans les decrets éternels, de faire préceder les uns et suivre les autres chacun, selon leur fantaisie, et d'avancer mille choses toutes contraires à ce qu'ils ont dit de l'éternité et de la nature divine.
Quoiqu'ils soutiennent qu'il n'y a de mérite que pendant le tems de cette vie mortelle, ils ne font pourtant pas difficulté d'assurer que Jesus-Christ mérite à-présent dans le sacrement de l'autel; ils en font pour cet effet un sacrifice particulier, qu'ils distinguent du sacrifice que Jesus-Christ a fait de lui-même pendant tout le course de sa vie temporelle, et qu'il a consommé sur la croix: ils nomment l'un sanglant et l'autre non-sanglant; comme si Jesus-Christ s'immoloit plus d'une fois, et que le sacrement de l'autel ne fût pas l'application des mérites du sacrifice de la croix, mais un nouveau sacrifice par lequel Jesus-Christ acquiert de nouveaux mérites; et qu'enfin l'immolation d'un Dieu fût une chose si peu sérieuse qu'elle pût être fait à tout moment, et devenir une espece de jeu d'enfant, si j'ose le dire, à la honte des messieurs les théologiens, qui ne font pas attention que la vie temporelle et la mort de Jesus-Christ sont le véritable et l'unique sacrifice, qui, ayant toujours été présent à Dieu dans l'éterntité, a mérité et mérite encore la rédemption et le pardon des fautes de la postérité d'Adam, ni que ce qui se passe à l'autel n'est pas un sacrifice, mais un sacrement par lequel le sacrifice de la croix nous est appliqué, et subsiste moralement dans l'Eglise, enfin que c'est une mémoire de la vie et de la mort du Sauveur, et non pas une nouvelle immolation de sa personne.
Quoiques messieurs les scholastiques prouvent très-solidement que Jesus-Christ seul est notre rédempteur, qu'il ait satisfait abondamment pour tous les péchés du genre humain, et que ses mérites sont plus que suffisans pour procurer à tous les hommes toutes les graces nécessaires à leur salut; ils admettent cependent d'autres mérites que ceux de Jesus-Christ, en enseignant que les saints en ont qui nous sont appliqués, sans penser que c'est en faire par là les co-rédempteurs avec Jesus-Christ, et déclarer nettement que des hommes pécheurs et rachetés qui n'ont jamais pu avoir aucun mérite suffisant pour eux-mêmes, en ont cependant pour les autres. Il est étonnant qu'un saint vivant manque de mérite, et ne puisse être justifié que par ceux de Jesus-Christ, et que mort il en ait à revendre pour le salut d'autrui, et en telle abondance que, quelque débit qu'on en fasse par le grand nombre des indulgences affichées chaque jour aux églises, il s'en trouve encore des trésors immenses dans les magasins du pape, et dans les cloîtres des moines; car ce sont eux qui en sont les gardiens, et qui ont soin de les débiter à qui veut tantô gratis, tantô pour de l'argent.
Quoiqu'ils assurent que le corps de Jesus-Christ est réellement et corporellement dans l'Eucharistie, ils disent ensuite, pour expliquer cette réalité, qu'il n'y est pas localement, mais substantiellement sans aucune étendue; car toute étendue occupe un lieu; en sorte qu'il n'y est plus corporellement à la maniere des corps, qui ne sont dans leur place que par leur étendue; et que par conséquent il n'y est qu'à la façon des esprits, qui ne sont dans le lieu que par leur vertu et leur action.
Ils soutiennent une transsubstantion du pain au corps de Jesus-Christ, et en expliquent ce terme, sortie de leur tête; comme un Pallas de celle de Jupiter, pour combattre et terrasser tous les hérétiques; il se trouve que ce qu'ils ont infanté n'est pas ce qu'ils vouloient produire, ou qu'ils ne connoissent pas leur ovurage, et ne savent plus ce qu'ils ont eu envie de mettre au jour. Car cela devient dans leurs commentaires un anéantissement du pain à la place duquel le corps de Jesus-Christ est substitué, et non pas un changement de substance en substance, comme la force du mot de transsubstantion veut pourtant que cela soit.
Selon eux, l'Eglise ne peut pas changer la matiere ni la forme des sacremens; elle a pourtant fait, selon eux encore, que ce qui l'étoit ne l'est plus, et que ce qui ne l'étoit pas autrefois l'est aujourd'hui.
Ils disent que Jesus-Christ n'a point de pere comme homme, ni de mere comme Dieu; néanmoins ils traitent d'hérétiques ceux qui disent que la Vierge n'est pas mere de Dieu, mais qu'elle l'est seulement de Jesus-Christ, ou d'un homme-Dieu.
Ils avouent que le culte de religion, tant extérieur, qu'intérieur, n'est dû qu'au créateur; que la créature n'est faite que pour rendre ce culte dans tous tems et dans toutes sortes d'états, et non pour le recevoir: après, avec l'aide d'une relation sousentendue, ils permettent d'adorer, non-seulement les fideles morts, mais encore les images, la pierre et le bois; en sorte que du christianisme pratiqué d'aujourd'hui, au paganisme, il n'y a de différence que cette subtile relation fort connue dans le college, mais peu entendue du peuple.
Les uns admettent une grace invincible à laquelle on peut résister; les autres en confessent une très-suffisante avec laquelle on ne sauroit agir s'il ne survient un autre secours d'une autre espece; et mille autres contradictions dont il n'est pas nécessaire que je fasse ici l'énumération: on peut les voir dans leurs écrits.
Théologie scholastique (Théol. barbare)
voici son origine: dans les premiers siecles du christianisme, on enseignoit la doctrine de l'Evangile d'une maniere simple; on introduisit les cathécumenes sur un court abrégé de foi, qui contenoit les principaux articles de la religion qu'on contenoit les principaux articles de la religion qu'on leur expliquoit avec plus d'étendue dans les discours populaires. C'est de cet ordre que sont les catéchès aux illuminés de S. Cyrille de Jérusalem, et les sermons catéchétiques de Grégoire de Nysse. Les homélies ordinaires qu'on prêchoit devant le peuple étoient ou une explication de quelque portion de l'Ecriture ou une exhortation à quelque devoir. Mais cette simple maniere d'instruire fut bientôt négligée, et on y en substitua une plus subtile, comme on le voit par les ouvrages du faux Denys l'Aréopage, forgés dans le quatrieme, cinquieume ou sixieme siecle.
Dans le milieu du huitieme, Damascene fut le premier des Grecs qui mit la Théologie comme en système, et qui rengea les doctrines particulieres sous leurs chefs dans ses quatre livres de la foi orthodoxe; on ne trouve aucun écrivain qui ait entrepris d'en faire autant dans l'église latine avant Lanfranc, archevêque de Cantorbery, l'antagoniste de Berenger, qui florissoit vers l'an 1070.
Au commencement du siecle suivant, Pierre Abalard publia une introduction à la Théologie, et par ce secours Pierre Lombard, vers le milieu du même siecle, compila ses quatre livres des sentences, (d'où lui vient le nom de maîtres des sentences), tirés des écrits des peres, et principalement de S. Augustin. Ce fut alors que la Théologie prit une face nouvelle, et fut reduite à un nombre infini de questions qu'on discutoit avec toute la subtilité possible. Lombard fut suivi par Alexandre de Ales, Thomas d'Aquin, Bonaventure, Albert le grand et plusieurs autres.
Les sentences des Pierre Lombard devinrent donc la seule Théologie qu'on enseignoit, et que l'on apprenoit dans les écoles; mais on les traita d'une autre maniere qu'il n'avoit fait, on ajouta plusieurs questions à celles qu'il avoit proposées, et l'on les intitula questions quodlibétiques. D'autres théolgiens voulant se donner plus de carrier, firent des ouvrages qu'ils nommerent somme de théologie, et ces ouvrages sont encore plus inintelligibles que les autres par leur style barbare.
La maniere dont on annonçoit au peuple la parole de Dieu, tenoit beaucoup de cette méthode scholastique; les sermons étoient pleins de divisions, de distinctions et de comparaisons triviales; les points de morale les plus importans y sont proposés séchement, expliqués d'une maniere commune, et appuyés sur quelques passages mal appliqués et pris dans un autre sens que le naturel.
Les commentaires scholastiques sur l'Ecriture-sainte sont de deux sortes: les uns appellés postilles, sont des courtes notes où l'on ne s'arrête qu'à des minuties grammaticales sans critique. Les autres plus étendues, sont composés d'allégories. Leurs livres de spiritualité sont dans le même goût. Les auteurs scholastiques qui ont écrit sur les rites et les cérémonies de l'Eglise, ne sont pareillement attachés qu'à en rechercher, ou à en inventer des raisons mystiques. Leur histoire ecclésiastique consiste en des vies de saints, et en chroniques particulieres d'églises et de monasteres. Les recueils et les commentaires des décretales des papes, ont occupé ceux d'entre les scholastiques qui se sont appliqués à l'étude du droit canonique; et certainement ils on trouvé dans ce labyrinthe de lois de quoi exercer leur plume au grand détriment des sciences et du bien public.
Enfin les yeux se sont ouverts, et les lumieres de la philosophie ont dissipé les ténebres de la théologie scholastique, dont tous les gens de bon sens ont méprisé l'étude. En vain le jésuite de Bénedictis, professeur à Naples, en a pris la défence au commencement de ce siecle: son ouvrage a été sifflé par tous les savans d'Italie, et la réponse que M. De Grimaldi fit au jésuite, fut reçue avec de grands applaudissemens.
Le pere de Benedictis avoit établi que la philosophie moderne ne décréditoit sa Théologie scholastique, que parce que cette théologie fournissoit seule des armes pour combattre avec succès ceux qui nient, ou qui attaquent les mysteres de l'église catholique. M. Grimaldi lui répond que c'est tout le contraire, et que par conséquent c'est part cet endroit que la Théologie scholastique est digne de mépris, et que la philosophie moderne mérite l'estime de toutes les personnes de bon sens, véritablement attachées à la religion; c'est ce que prouve cet auteur dans ses dicussioni istoriche, teologiche, et filosofiche, imprimées à Luques en 1725, in -4°.
Il recherche 1°. l'origine de Théologie scholastique, et fair voir que les apôtres et les docteurs de l'église primitive ignoroient cette méthode d'enseigner les mysteres de la religion chrétienne, reçue à présent dans les écoles, et qu'on l'a empruntée vers le milieu de l'onzieme siecle des philosophes payens.
2°. Il montre que la plupart des hérésies, des schismes, des divisions, qui ont si cruellement déchiré l'Eglise, ne sont venus que des impertinentes et absurdes distinctions, et subtilités des scholastiques.
3°. Il fait le détail des maux que la théologie scholastqiue produit tous les jours, en ce que par de vaines et chimériques spéculations, elle donne atteinte aux vérités les plus claires, elle obscurcit le sens de l'ecriture-sainte, donne naissance et même quelque apparence de vérité aux plus ridicules et aux plus monstrueuses opinions, excite et entretient des disputes continuelles entre les membres d'une seule et même église, et occupe pendant toute leur vie de bons esprits à des bagatelles.
4°. Il lui attribue la décadence de la piété et l'anéantissement de cette simplicité et de ce respect pour l'Ecriture-sainte, qui rendoient les premiers chrétiens si commendables.
5°. Il montre que cette théologie n'est d'aucun usage pour convaincre les hérétiques, pour instruire les fideles, ou pour donner quelque connoissance des mysteres de la relgion chrétienne.
6°. Il remarque que Thomas d'Aquin, Albert le grand, et les autres scholastiques ont agité les plus inutiles, les moins respectueuses et les plus scandaleuses questions, telles que sont, par exemple, celles-ci: Quare Christus non fuerit hermaphroditus? Quare non assumpsit foemineum sexum? Utrum essent excrementa in paradiso? Uturm sancti resurgent cum intestinis? Uturum Christus cum felle et ipsius receptaculo a mortuis surrexit? Pourquoi Jesus-Christ n'a pas été hermaphrodite? Pourqoui il n'a pas pris le sexe féminin? S'il y a eu des excrémens dans le paradis? Si les saints ressuscitent avec leurs boyeaux? Si Jesus-Christ est ressucité avec son fiel, et avec le vésicule qui le contient.
Albert le grand n'emploie pas moins de vingt-quatre chapitres à discuter les questions suivantes, qui ont causé de grands débats parmi les scholastiques. Si l'ange Gabriel est apparu à la Vierge sous la forme d'un serpent, d'un pigeon, d'un homme ou d'une femme? s'il paroissoit jeune ou vieux? comment il étoit habillé? si ses habits étoient blancs ou de deux couleurs? si son linge étoit blanc ou sale? dans quel tems apparut-il? le matin, à midi, ou le soir? de quelle couleur étoient les cheveux de la Vierge Marie? entendoit-elle les arts méchaniques et libéraux? avoit-elle quelque connoissance de la grammaire, de la rhétorique, de la logique, de la musique, de l'astronomie, etc. avoit-elle une parfait connoissance du livre des sentences, composé deux cens ans après sa mort, et de tous les chapitres qu'il contient? S. Antonin, autre fameux scholastique, propose les question suivantes: Utrum si Deipara fuisset vir, potuisset esse naturalis parens Christi? Utgrum maria gravida sedente, Christus sederet, atque ipsa cubante cubaret? Si supposé que la Sainte Vierge eût été un homme, elle eût pû être mere de Jesus-Christ? Si pendant la grossesse de Marie Jesus-Christ se tenoit assis lorsqu'elle s'asséioit, et couché lorsqu'elle se couchoit?
A la liste de ces questions traitées par les scholastiques, M. Grimaldi en ajoute d'autres non moins impertinentes, que les théologiens modernes traitent dans leurs écoles; telles sont cells-ci: Utrum Verbum potuit, hypostatice uniri n atura irrationali, puta equi, asini, etc.? Utrum potuit uniri natura diabolica, natura humana damnata, peccato, etc.? in quo casa vera essent hae propositiones: Deus est equus, asinus, diabolus, damnatus, peccatum, etc. Utrum Christus resurgendo resumpsit praeputiam? si porro rsumpsit, quo pacto, quove modo servatur in terris? Si le Verbe a pu s'unir hypostatiquement à une nature irraisonnable comme à celle d'un cheval, d'un âne, etc.? S'il a pu s'unir à une nature diabolique, à une nature humaine damné, le péché, etc.? Si J.C. en ressuscitant des morts a repris son prépuce, et s'il l'a repris, comment il se peut qu'on le montre encore ici-bas?
Cette relique se garde dans l'Eglise de S. Jean-de-Latran à Rome, et on l'expose dans la semaine de Pâques à l'adoration publique. Mais ce qui allarma principalement les Jésuites à la cour de Rome, fut la réponse de M. Grimaldi au pere de Benedictis, sur ce que ce Jésuite avoit relevé le prix de la théologie scholastique, par l'estime que les papes en on toujours fait, puisque malgré l'inspiration du Saint-Esprit, ils n'en viennent jamais à une décision, qu'ils n'ayent consulté les scholastiques, dont le sentiment s'accorde d'ordinaire avec l'inspiration de L'Esprit-saint. M. Grimaldi répond nettement qu'il est vrai que quelques papes ont consulté les scholastiques; mais que tout bon catholique doit souhaiter qu'ils n'eussent jamais prêté l'oreille à leurs spéculations. Il rapporte l'exemple de plusieurs papes, qui malgré leur infaillibilité, ont erré et ensiegné non-seulement des opinions fausses, mais hérétiques, trompés par les docteurs de l'école. An exact Account of the most valuable Books, tom. II, n°12 et Chauffepié, Dictionnaire. Voyez aussi le mot