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PARADIS
[Vol. 11, p. 893]
PARADIS, s. m. dans les livres du nouveau Testament & parmi les Chrétiens signifie un lieu de délices, où les ames des justes voient Dieu, & jouissent d'un bonheur éternel.
C'est ainsi que Jesus - Christ dit au bon larron, Luc xxiij. 43: Vous serez aujourd'hui avec moi dans le paradis; & que saint Paul, II. Cor. xij. 4. parlant de lui-même en troisieme personne, dit qu'il connoît un homme qui a été ravi en esprit jusque dans le para lis, où il a entendu des paroles qu'il n'est pas permis à l'homme de publier.
Le système de Copernic & de Descartes a non-seulement renversé l'ancienne hypothèse de Ptolomée sur l'ordre & sur la structure de ce monde; mais il a encore mis les Théologiciens dans la peine dans la nécessité de chercher proposer ailleurs un endroit propre à placer le séjour des bienheureux, qu'on nomme vulgairement paradis. La découverte n'en est pas encore faite, et il n'y a rien de réglé là-dessus. L'on disputera dispute donc raisonnablement dans les écoles sur la situation du paradis céleste où nous devons aller, comme on fait sur celle du terrestre d'où Adam fut chassé. Car enfin depuis que les cieux sont fluides, que la terre & les planetes roulent dans les airs autour du soleil, & que les étoiles que nous voyons sont autant de soleils qui sont chacune le centre d'un tourbillon; il a fallu que l'empyrée disparût, ou du moins qu'il s'en allât bien loin d'où il étoit. Je ne sais pas comment les Théologiciens le bâtiront solidement au-delà de tous ces tourbillons; il est vrai que ces gens-là sont accoutumés à bâtir en l'air. Quoi qu'il en soit, s'ils placent si l'on place le paradis dans un lieu qui environne tous ces espaces immenses, il me paroît que les élus étant en plus petit nombre que les réprouvés, ceux-ci seront bien resserrés au centre de la terre et ceux-là ou que les reprouvés seront bien resserrés au centre de la terre, ou que les élus seront fort au large tout-autour de ce grand monde.
Quelques-uns Théologiens croiront peut-être faire une heureuse & juste application de ces paroles des Pseaumes in sole posuit tabernaculum suum, en disant que c'est dans le soleil où les élus habiteront, & où Dieu manifestera sa gloire. Car il faut absolument aux Théologiciens de l'école un lieu distingué et séparé des autres où Dieu se fasse voir; tous ne sont pas propres à cela selon eux, et la terre moins que tout autre. Ils ne font point attention que l'ame de Jesus - Christ jouissoit de la gloire céleste sur la terre, & qu'il étoit, selon leur opinion & leurs termes, voyageur & compréhenseur tout-à-la-fois; qu'ainsi ce n'est pas le lieu qui fait le paradis, mais le bonheur dont on jouit par la vûe de Dieu, qui étant par-tout, peut aussi se montrer & faire par-tout des bienheureux: d'ailleurs puisque Théologiciens qu'ils donnent aux corps glorieux, après la résurrection, l'agilité & la pénétration; ils ne doivent pas les resserrer dans un endroit particulier. Pourquoi faire pour eux cette dépense inutilement? Ils n'auront apparemment ces qualités que pour en faire usage, se transporter librement par-tout, & contribuer à une partie de leur bonheur par la vûe & par la connoissance successive des ouvrages & des opérations du Créateur dans ces espaces immenses.
Quand on veut parler là-dessus, peut-on mieux faire qu'en disant que le paradis n'est pas un lieu, mais un changement d'état. Que s'il est dans le ciel, le ciel n'est autre chose que toute la matiere fluide & immense, dans laquelle roulent une infinité de corps & lumineux & opaques; de sorte que les cieux, l'univers & tous les ouvrages de Dieu font le paradis & le séjour des bienheureux. C'est pourquoi notre Seigneur dit dans l'Evangile, que les saints auront le royaume des cieux en partage, & qu'ils posséderont la terre, c'est-à-dire que tout l'univers leur appartiendra, ou qu'au moins ils en auront la jouissance entiere & parfaite.
Les Juifs appellent ordinairement le paradis le jardin d'Eden, & ils se figurent qu'après la venue du Messie ils y jouiront d'une félicité naturelle au milieu de toutes sortes de délices: & en attendant la résurrection & la venue du Messie, ils croient que les ames y demeurent dans un état de repos.
Les Mahométans admettent aussi un paradis, dont toute la félicité ne consiste que dans les voluptés corporelles. Voyez ce qu'ils en racontent sous les mots