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- Lettre de M. Diderot au R. P. Berthier
- Seconde lettre de M. Diderot au R. P. Berthier
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Seconde lettre de M. Diderot au R. P. Berthier
February 1751
Vous observez très subtilement qu'il est dangereux d'écrire sur d'autres matières que de pure littérature; je ne serai pas longtemps, mon R.P., sans vous en convaincre par vous-même. Si le docteur judicieux qui approuve votre journal, se ressouvient des grands éloges que vous avez donnés à l'Encyclopédie, je crains bien que votre imprimeur ne les ait oubliés. Je n'ignore point la différence qu'il y a entre les journaux de Trévoux & les journaux des navigateurs, ni la figure que les uns & les autres font dans le monde, & vous ne devez pas appréhender, mon R.P., que je vous confonde jamais avec l'amiral Anson: le seul rapport que je pourrais trouver entre un voyageur & un journaliste, c'est qu'ils ne disent pas toujours la vérité; mais cette ressemblance est usée, & ne saurait vous convenir. Votre censeur qui, avec tant de jugement, a si bonne mémoire, ressemblerait peut-être davantage à certains voyageurs qui se souviennent de la meilleure foi du monde de ce qu'ils n'ont jamais vu. Le critique dont vous me parlez, & dont vos grands éloges ont fait arrêter le grand écrit à TROIS parties, ne m'est pas aussi inconnu qu'à vous. Je l'aurais deviné aux TROIS divisions. Il a de très bonnes raisons pour médire de vive voix de l'Encyclopédie; mais il pourrait en avoir de meilleures pour n'en rien dire par écrit. Je n'ai jamais prétendu, mon R.P., à l'immortalité: le voyage est trop long pour ne pas craindre de rester en chemin, surtout lorsqu'on se charge d'y mener ceux qui n'y vont pas, ou de retarder ceux qui y vont seuls. Je sais que les divisions de la branche philosophique sont fort étendues dans Bacon; mais je crois qu'elles sont fort différentes dans l'arbre encyclopédique; & vous êtes, mon R.P., de si bonne foi & de si bonne volonté, que je suis très reconnaissant de la peine que vous voulez bien prendre d'en dire un mot. Vous n'oublierez pas sans doute cette fois-ci de rappeler l'aveu que j'ai fait, & de distinguer avec votre capacité ordinaire ce qui nous appartient à l'un & à l'autre. Je ne doute point que Messieurs de l'Encyclopédie que vous connaissez ne soient fort bons chrétiens; il est bien difficile que cela soit autrement, quand on est de vos amis; & c'est pour cela que j'ambitionne d'être du nombre. Leurs noms, comme vous l'observez, auraient sans doute jeté un grand éclat sur le mien: cette réflexion est trop juste & trop vraie pour être désobligeante; mais le premier volume de l'Encyclopédie ne vous laissera là-dessus rien à désirer: en attendant qu'il paraisse, je me contenterai d'honorer quelquefois mon nom par la splendeur du vôtre, puisque vous voulez bien m'en accorder la permission. Vous prétendez que pour former une encyclopédie, cinquante savants n'auraient pas suffi, si vous aviez été du nombre, & vous vous fâchez presque de ce que je ne vous en ai pas fait le compliment? Je m'en rapporte à vous, M. R.P., ne valait-il pas mieux que vous vous chargeassiez de ce soin que moi? J'avais dessein de joindre à cette lettre un article du dictionnaire, comme je vous l'avais promis; mais vous êtes si exact à faire réponse qu'il y aurait conscience à vous faire attendre la mienne; ce sera pour ma troi-sième lettre. Le morceau que je vous destine est ANALYSE: vous auriez tort de vous plaindre que je ne vous choisis pas des articles intéressants. J'attends toujours votre jugement sur l'article ART, & vos Mémoires sur l'article CONTINUATION.
Perge, sequar. Ænéïd.
Vous observez très subtilement qu'il est dangereux d'écrire sur d'autres matières que de pure littérature; je ne serai pas longtemps, mon R.P., sans vous en convaincre par vous-même. Si le docteur judicieux qui approuve votre journal, se ressouvient des grands éloges que vous avez donnés à l'Encyclopédie, je crains bien que votre imprimeur ne les ait oubliés. Je n'ignore point la différence qu'il y a entre les journaux de Trévoux & les journaux des navigateurs, ni la figure que les uns & les autres font dans le monde, & vous ne devez pas appréhender, mon R.P., que je vous confonde jamais avec l'amiral Anson: le seul rapport que je pourrais trouver entre un voyageur & un journaliste, c'est qu'ils ne disent pas toujours la vérité; mais cette ressemblance est usée, & ne saurait vous convenir. Votre censeur qui, avec tant de jugement, a si bonne mémoire, ressemblerait peut-être davantage à certains voyageurs qui se souviennent de la meilleure foi du monde de ce qu'ils n'ont jamais vu. Le critique dont vous me parlez, & dont vos grands éloges ont fait arrêter le grand écrit à TROIS parties, ne m'est pas aussi inconnu qu'à vous. Je l'aurais deviné aux TROIS divisions. Il a de très bonnes raisons pour médire de vive voix de l'Encyclopédie; mais il pourrait en avoir de meilleures pour n'en rien dire par écrit. Je n'ai jamais prétendu, mon R.P., à l'immortalité: le voyage est trop long pour ne pas craindre de rester en chemin, surtout lorsqu'on se charge d'y mener ceux qui n'y vont pas, ou de retarder ceux qui y vont seuls. Je sais que les divisions de la branche philosophique sont fort étendues dans Bacon; mais je crois qu'elles sont fort différentes dans l'arbre encyclopédique; & vous êtes, mon R.P., de si bonne foi & de si bonne volonté, que je suis très reconnaissant de la peine que vous voulez bien prendre d'en dire un mot. Vous n'oublierez pas sans doute cette fois-ci de rappeler l'aveu que j'ai fait, & de distinguer avec votre capacité ordinaire ce qui nous appartient à l'un & à l'autre. Je ne doute point que Messieurs de l'Encyclopédie que vous connaissez ne soient fort bons chrétiens; il est bien difficile que cela soit autrement, quand on est de vos amis; & c'est pour cela que j'ambitionne d'être du nombre. Leurs noms, comme vous l'observez, auraient sans doute jeté un grand éclat sur le mien: cette réflexion est trop juste & trop vraie pour être désobligeante; mais le premier volume de l'Encyclopédie ne vous laissera là-dessus rien à désirer: en attendant qu'il paraisse, je me contenterai d'honorer quelquefois mon nom par la splendeur du vôtre, puisque vous voulez bien m'en accorder la permission. Vous prétendez que pour former une encyclopédie, cinquante savants n'auraient pas suffi, si vous aviez été du nombre, & vous vous fâchez presque de ce que je ne vous en ai pas fait le compliment? Je m'en rapporte à vous, M. R.P., ne valait-il pas mieux que vous vous chargeassiez de ce soin que moi? J'avais dessein de joindre à cette lettre un article du dictionnaire, comme je vous l'avais promis; mais vous êtes si exact à faire réponse qu'il y aurait conscience à vous faire attendre la mienne; ce sera pour ma troi-sième lettre. Le morceau que je vous destine est ANALYSE: vous auriez tort de vous plaindre que je ne vous choisis pas des articles intéressants. J'attends toujours votre jugement sur l'article ART, & vos Mémoires sur l'article CONTINUATION.
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J'ai l'honneur d'être, mon R.P. &c.
A Paris ce 2 février 1751, à neuf heures du soir, en recevant votre journal.