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Introduction (en français)
L’Encyclopédie méthodique (1782-1832) rassemble plus de 200 volumes de dictionnaires scientifiques répartis sur 43 disciplines des sciences, arts et métiers. Elle a été dirigée par Charles-Joseph Panckoucke (1736-1798), le plus grand libraire-éditeur du 18e siècle français, propriétaire des droits de l’Encyclopédie qui se positionne en héritier de Diderot et d’Alembert. Il lance un Prospectus pour les souscriptions le 8 décembre 1781 (1) dans le Mercure de France, journal dont il est l’éditeur. Le projet y est présenté comme la nouvelle édition revue et augmentée de l’Encyclopédie des Lumières. Le titre exact est : Encyclopédie méthodique par ordre de matières par une Société de gens de Lettres, de Savans et d’Artistes, précédée d’un Vocabulaire universel, servant de Table pour tout l’Ouvrage ; ornée des Portraits de MM. Diderot & d’Alembert, premiers Editeurs de l’Encyclopédie.
L’effet est immédiat, entre le 15 mars et le 30 avril 1782, Panckoucke recueille 5000 souscriptions. L’inquisition espagnole lui en fera perdre 330 et la Révolution française 1700. Trois mille souscripteurs lui resteront fidèles mais il lui en fallait 4000 pour rentrer dans ses frais. Panckoucke mourra en 1798 et l’œuvre sera poursuivie par son gendre Henri Agasse de Cresne de 1793 à 1812 puis achevée par sa fille, Pauline veuve Agasse en 1832-1833. Sur une publication couvrant 50 années, la question du nombre des volumes se pose.
Dans le Prospectus général de 1782, Panckoucke annonce entre 51 à 56 volumes pour 26 Dictionnaires scientifiques et un vol. de Vocabulaire Universel. Dans le second Prospectus de janvier 1789 appelé Représentations, il formule un nouveau projet qui tient compte de l’élargissement des sciences et annonce 43 Dictionnaires scientifiques en 124 à 132 vol. et un Vocabulaire encyclopédique de 4 à 5 volumes. Ce total de 137 vol. prévus pour une fin de l’entreprise en 1795 sera fort malmené d’une part, par les événements politiques qui secoueront la France et, d’autre part, par le développement fulgurant des sciences. Aussi est-il bien impossible de trouver une collection exacte de l’Encyclopédie méthodique. En 1833 Louis Charles François Petit-Radel (1756-1836), administrateur de la Bibliothèque Mazarine demande à la Librairie Panckoucke de fournir une liste des volumes livrés. Denis Louis Goujon, gendre de Palissot, établit alors une liste - pour la première fois par ordre alphabétique et non comme Panckoucke par ordre de matières - des Dictionnaires d’après les 102 Livraisons commencées en novembre 1782 et achevées le mardi 25 septembre 1832. C’est cette Collection que possède la Bibliothèque Mazarine de Paris. Elle comporte 212 volumes (157 vol. de discours et 55 vol. de planches) pour 40 Dictionnaires scientifiques et aucun Vocabulaire (voir la liste ci-après). Ces volumes, non reliés, sont constitués de feuilles assemblées dans un fort carton gris. Panckoucke avait demandé aux souscripteurs d’attendre la fin de la publication avant de relier les feuilles en volumes. Ceci explique l’impossibilité de tabler sur un nombre exact de volumes, chacun ayant reliés les volumes différemment. L’édition princeps de la Bibliothèque Mazarine contient certes tous les discours et les planches mais sans l’insertion des Prospectus et Mémoires dans les Dictionnaires des Beaux-arts (I, 1788), des Mathématiques (III, 1789), des Manufactures (III, 1790) et d’Histoire (V, 1791).
Pour faire de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert une Encyclopédie complète, l’améliorer, l’actualiser et à la fin la remplacer, cette « nouvelle encyclopédie » est d’abord distribuée en autant de dictionnaires que l’arbre des connaissances humaines avait de branches essentielles. Chaque matière est confiée au meilleur des spécialistes. Les savants sont Lamarck pour la Botanique, Monge pour la Physique, Guyton de Morveau pour la Chimie, Daubenton pour l’Histoire naturelle, Naigeon pour la Philosophie, Quatremère de Quincy pour l’Architecture, Vicq d’Azyr pour la Médecine, Mentelle, Masson de Morvilliers et Desmarest pour la Géographie, etc. L’objectif consiste à atteindre l’exhaustivité dans la nomenclature afin d’offrir une meilleure représentation du savoir. Mais de nouvelles disciplines voient le jour comme l’art aratoire, les sciences de l’ingénieur, la mammalogie etc., et l’arbre des connaissances est dépassé.
L’Encyclopédie méthodique présente une nouvelle composition encyclopédique du savoir, non plus basée sur l’enkuklios paideia mais sur le mode analytique issu de la sémantique. (2) Dans son projet organisé selon l’ordre des matières, tous les Dictionnaires scientifiques devaient avoir une même structure composée d’un discours préliminaire ou tableau général et d’un ordre méthodique ou tableau analytique indiquant l’ordre dans lequel les mots doivent être lus « comme si chaque dictionnaire n’était qu’un traité didactique ». Enfin, la nomenclature constituait le dernier point de réunion de tous les dictionnaires avec un Vocabulaire encyclopédique universel qui aurait été, car ce Vocabulaire n’a jamais été réalisé, une Table analytique en 5 volumes, pièce maîtresse qui les rassemblait en Encyclopédie.
On ne saurait comprendre cette œuvre sans considérer avec une extrême attention la transformation des sciences à la fin du 18e et au début du 19e siècle. Avec l’Encyclopédie méthodique, la science n’est plus dirigée par la philosophie dans l’ordre généalogique d’une histoire des sciences et des arts pour révolutionner le savoir, elle est directement située dans l’évolution de la société qui vit une Révolution et qui accumule les données scientifiques. Les sciences ne sont plus dirigées par la philosophie, mais les savants l’utilisent et commencent à créer une épistémologie dans leur discours préliminaire. Cette aventure éditoriale unique offre par conséquent le tableau de la nouvelle constitution des savoirs dont notre système d’enseignement est l’héritier direct.
On a dit que de nouvelles disciplines étaient apparues mais il faut dire aussi que les anciennes disciplines ont été modifiées en profondeur. Deux d’entre elles sont entièrement repensées : l’Architecture et les Beaux-arts. Elles sont ici présentées.
- Martine
(1) Voir Ch. J. Panckoucke, Prospectus et Mémoires de l’Encyclopédie méthodique, vol. 1 « Prospectus général », introduits et annotés par Martine Groult, Publications de l’Université de Saint-Etienne, 2011 et et vol. II « Représentations et Lettres (1789-1792) suivies de l'Inventaire de la Bibliothèque Mazarine de 1832 », Paris, Classiques Garnier, 2013.
(2) Martine Groult, Savoir et Matières. Pensée scientifique et théorie de la connaissance de l’Encyclopédie à l’Encyclopédie méthodique, Paris, CNRS Editions, 2011, Partie III, p. 231-350.